Le changement, c’est tout le temps?

«Changer de travail tous les 3 ans!», «Comment innover au quotidien?». Peut-être êtes-vous également frappés par cette exigence quotidiennement rappelée de se mettre – ou se remettre – sur le chemin du changement? Et peut-être êtes-vous également interpellés à quel point tout le monde semble innover de la même manière ou du moins être vivement encouragé à le faire: «Le management / le marketing de soi», «Organiser la créativité», etc.

Ainsi donc, la continuité, la durée, les routines seraient néfastes à notre épanouissement et à l’évolution du monde? Pourtant, à y regarder de plus près, changer constamment, ne serait-ce pas le chemin le plus sûr pour ne rien changer? Le changement a besoin de la permanence, comme la nuit a besoin du jour. Et le changement constant n’est au fond rien d’autre qu’une forme de permanence. «Plus ça change, plus c’est la même chose» soulignaient – déjà au siècle dernier! – les célèbres thérapeutes de Palo Alto1.

Ils relevaient aussi que le changement, au sens de transformation, repose sur l’inattendu, la surprise, une forme de rupture. Soit un détail auquel on n’avait pas pensé ou qu’on ne voyait pas sous cet angle. Si David terrasse Goliath, c’est justement parce que ce n’est pas un grand guerrier. Sur ce terrain Goliath n’avait pas d’adversaire. Mais Goliath n’était pas berger et il ne se doutait pas du potentiel d’un banal lance-pierres. De même, un processus qui obéit  à des règles de changement ou qui «organise la créativité», aurait peu de chances d’aboutir à la métamorphose qui change la chenille en papillon. Quelle drôle d’idée! Et que penserait-on de cette merveille, si tous les 3 jours la chenille se transformait en autre chose: une coccinelle, une libellule, une abeille, un moineau? La beauté et le mystère de cette métamorphose ne valent-elles pas toute une vie?

Le changement nous est parfois imposé par des événements de vie difficiles, des transformations nécessaires. Ou parfois c’est un désir, un rêve qui nous porte ailleurs. Mais le changement ne devrait pas être prescrit, en particulier selon des règles pré-définies. Car les chemins qui y mènent sont innombrables et singuliers. La vie est plus intéressante et plus riche que nos règles purement rationnelles. Il faut parfois faire confiance au vide, remonter les courants et accepter de ne pas agir trop vite. Contenir et vivre l’intensité du moment. C’est dans cet espace et cette durée que se trouve peut-être la perle qu’on n’avait pas imaginée.

1 P. Watzlawick, J. Weakland, R. Fisch Changements, paradoxe et psychothérapie. Editions du Seuil, Paris, 1975