Une belle minute

Sur la couverture, on distingue une femme perdue dans la couleur. Des teintes grises et roses dans ce qu’on devine être un bord de mer. On ressent la force de cet instant mais aussi la densité et la lourdeur d’un paysage fermé sur lui-même.  La femme qui se représente ainsi c’est Catherine Meurisse, l’une des dessinatrices de Charlie Hebdo. Une femme qui a perdu la mémoire après les attentats de janvier 2015 et qui raconte comment elle l’a peu à peu retrouvée. L’ouvrage, une BD, s’intitule sobrement la légèreté.  Une fois le voyage accompli, on retrouve la même femme et la même prédominance de la couleur. Assise sur un sable jaune, elle fait face à l’infini d’un horizon bleu qui se mêle à l’océan.

Que se cache-t-il donc entre ces deux univers? Le secret de l’histoire se niche dans une question posée à l’auteur: «Qu’est-ce qui vous a aidée à vous éloigner de la mort ? A ne plus l’entendre?». A quoi elle répond: «Voir. Voir la mer, des arbres, des ciels, une peinture, de la lumière.». Ce qu’a vécu Catherine Meurisse est bien sûr hors norme et difficilement représentable pour qui ne l’a pas partagé mais sa BD résonne néanmoins comme une invitation. Une envie d’aller y voir, d’explorer cet univers. Parce que le chemin est à la portée de tous, parce qu’il se décline en une infinie diversité, parce que l’époque est obscure et qu’il est utile de savoir parfois s’en éloigner. Dans quel paysage aimeriez-vous vous perdre, dans quelles couleurs? Une musique, un parfum, un mouvement, une lumière sur un visage ou la pluie sur le toit? C’est une invitation, pas un conseil, pas une prescription.

Et si la beauté était le chemin? Un chemin tracé vers le cœur, vers cette multitude de petites choses qui fondent notre équilibre et notre vérité. Catherine Meurisse raconte le sien avec une force et une délicatesse que je vous recommande. Son ouvrage contient en soi un lieu où la beauté console voire même guérit. Un chemin intime et pourtant partagée.

Dans une émission où on l’interroge sur son livre, elle évoque cette réflexion de la cinéaste Agnès Varda: «Si on ouvrait les gens, on y trouverait un paysage». Pour elle, ce serait l’océan, pour d’autres ce pourrait être un torrent, un orage sur la plaine ou le soleil qui se lève à l’horizon. Et pour vous?

Catherine Meurisse, La légereté, Dargaud, 2016